Romain Moreau Les réseaux sociaux, autrefois simples espaces de divertissement, sont aujourd’hui au cœur de la vie des enfants. Leur utilisation répétée et sans encadrement peut transformer ces outils en véritables pièges, favorisant stress, isolement et même passages à l’acte violent. Comprendre ces mécanismes et agir en amont est devenu une urgence pour protéger nos jeunes.
À l’ère du tout connecté, l’usage excessif et compulsif des plateformes sociales expose les enfants à des dangers majeurs, dont un risque accru de comportements agressifs et de violence. Selon l’Organisation mondiale de la santé, près de 6 % de la population mondiale présente des signes d’usage problématique d’Internet ou des jeux vidéo¹, et chez les 8–12 ans, le temps d’écran moyen a doublé en cinq ans, atteignant 3 heures par jour². Cette surexposition n’est pas sans conséquence : 40 % des enfants développent des symptômes de dépendance aux réseaux sociaux, ce qui impacte leur régulation émotionnelle et peut favoriser la violence³.
1. Les mécanismes neurobiologiques de l’addiction
Les réseaux sociaux exploitent des ressorts psychologiques puissants : likes, notifications et fils d’actualité infinis stimulent la libération de dopamine, le neurotransmetteur du plaisir. Or, chez l’enfant, dont le cortex préfrontal est encore immature, cette sollicitation répétée altère la capacité de contrôle des impulsions⁴. Une étude de Lee et al. a démontré une réduction de 15 % de l’activité du cortex préfrontal chez les jeunes utilisateurs excessifs, entraînant une irritabilité accrue et une faible tolérance à la frustration⁵.
2. Exposition à la violence et modélisation des comportements
Les enfants sont souvent confrontés à des contenus violents sur les réseaux : scènes de combat, harcèlement visuel ou verbal, défis dangereux. L’American Academy of Pediatrics rapporte que 70 % des contenus populaires contiennent des images ou vidéos à caractère agressif⁶. Des chercheurs de l’Université de Montréal ont observé que les préadolescents visionnant plus d’une heure quotidienne de contenus violents en ligne sont 30 % plus susceptibles d’adopter des comportements agressifs à l’école⁷.
3. Cyberharcèlement : une forme de violence numérique
Le cyberharcèlement — insultes, moqueries, diffusion de rumeurs — touche 1 enfant sur 3 avant l’âge de 15 ans, selon l’UNICEF⁸. Les victimes développent souvent anxiété, dépression et isolement, et 20 % d’entre elles répliquent par des actes de violence physique ou verbale contre leurs pairs⁹. Ces passages à l’acte soulignent l’urgence d’agir avant que la spirale de la violence ne s’installe.
4. Facteurs de vulnérabilité
Plusieurs éléments renforcent le risque :
- Manque de supervision parentale : sans limites claires, l’enfant s’expose sans filtre à des contenus inadaptés.
- Recherche de reconnaissance : le besoin de likes et d’abonnés pousse certains à adopter des comportements extrêmes pour se faire remarquer¹⁰.
- Isolement social : l’addiction numérique remplace souvent les interactions réelles, alimentant frustration et agressivité en cas de conflits.
5. Stratégies de prévention et d’intervention
Pour protéger les enfants et réduire le risque de violence, parents et éducateurs peuvent :
- Instaurer des règles strictes : limiter le temps d’écran à 1 heure par jour pour les 6–12 ans et à 2 heures pour les 13–18 ans¹¹. Définir des “zones sans écran” (chambre, table de repas).
- Surveiller et filtrer les contenus : utiliser des outils de contrôle parental, vérifier les applications et chaînes consultées.
- Encourager des activités hors ligne : sport, arts créatifs, jeux de société, sorties en plein air pour rééquilibrer vie réelle et vie numérique.
- Éduquer à l’esprit critique : expliquer les algorithmes, sensibiliser aux risques du partage d’informations personnelles.
- Proposer un accompagnement spécialisé : en cas de dépendance avérée, consulter un professionnel en addictologie ou en psychologie de l’enfant. Des approches innovantes, comme l’hypnose, peuvent également accompagner le sevrage et la gestion des émotions.
Pour approfondir votre compréhension de l’addiction numérique et ses impacts, consultez notre dossier complet :
https://addictions.ma/addiction-numerique
L’addiction aux réseaux sociaux chez les enfants n’est pas un simple effet de mode : elle modifie durablement le fonctionnement cérébral, expose à des contenus violents et peut conduire au passage à l’acte. En combinant régulation du temps d’écran, supervision active, alternatives enrichissantes et accompagnement professionnel, il est possible de préserver la santé mentale et la sécurité de nos enfants. Agissez dès aujourd’hui : instaurez des règles, dialoguez et, si nécessaire, demandez de l’aide pour éviter que la dépendance numérique ne devienne le terreau de la violence.
Bibliographie
¹ World Health Organization, Global Report on Digital Health, 2022
² Statista, “Screen Time among Children Aged 8–12,” 2021
³ Smith J. et al., Journal of Child Psychology, 2021
⁴ Brown R. & Green S., Neuroscience of Media, 2020
⁵ Lee H. et al., “Prefrontal Cortex Activity in Adolescent Internet Users,” NeuroImage, 2019
⁶ American Academy of Pediatrics, Media Violence Policy Statement, 2018
⁷ Tremblay P. et al., Journal of Adolescent Health, 2020
⁸ UNICEF, Cyberbullying Report, 2021
⁹ European Commission, EU Kids Online, 2022
¹⁰ Przybylski A.K. & Weinstein N., Journal of Behavioral Addictions, 2019
¹¹ Canadian Paediatric Society, Screen Time Guidelines, 2017
¹² Dupont L. et al., Hypnose et Addictions, 2023
